Depuis des centaines d’années, sur le plateau de Septmoncel, entre les vallées de la Bienne et de la Valserine dans le Haut-Jura, se cache un trésor bien gardé : la lapidairerie. Émeraude, rubis, saphir, spinelle, tourmaline, améthyste, aigue-marine, topaze ou encore grenat sont des mots qui dans cette région font partie du patrimoine historique. Les premières traces de lapidairerie dans le Jura remontent à 1550. Suite à la révocation de l'édit de Nantes en 1685 par Louis XIV, juifs et protestants français, notamment parisiens, fuient en direction de la Suisse. De nombreux lapidaires, diamantaires et horlogers s'installent alors et c’est tout un territoire qui va s'organiser autour de l’horlogerie et de la joaillerie. Au début du 18eme siècle, le rubis s'invite dans les mécanismes d’horlogerie, favorisant ainsi le développement de l'activité de ces nouveaux venus.

Durant environ 250 ans, entre 1700 et 1950, le territoire va vivre au son des meules des lapidaires. La technique de la taille des pierres se diffusant peu à peu au-delà du cercle des artisans, les cultivateurs eux aussi s'adonnent à cette activité durant les rudes hivers où le travail de la terre est impossible. Ainsi, on dénombre près de 600 lapidaires sur le plateau du Haut-Jura avant la révolution.

D’abord manuelle, la taille des pierres de couleur (différente de la taille des diamants) s’est mécanisée au fil du temps. Au début du XXème siècle le "procédé Verneuil" (du nom de son inventeur) qui consiste à reconstituer synthétiquement les pierres naturelles par un procédé de cristallisation à l'état fondu, va révolutionner et industrialiser les méthodes de travail. En 1917, les frères Dalloz créent une entreprise lapidaire à Septmoncel. Face à l’ambition entrepreneuriale affirmée des frères Dalloz va se structurer en 1920 un atelier coopératif lapidaire réunissant de nombreux ouvriers locaux autour d’un certain César Mandrillon. Les coopérateurs s'inspirent des statuts de Fraternelle de Saint-Claude, coopérative d'alimentation, pour créer les leurs, s'inscrivant ainsi dans le mouvement coopératif appelé aujourd’hui "École de Saint Claude". Entre les Mandrillon et les Dalloz, deux modèles opposés s'affrontent. Dans les villages alentours comme à Lamoura, Lajoux ou Mijoux, des pierres naturelles et synthétiques sont aussi facettées.

L'activité lapidaire sera mise à mal durant la crise de 1929 puis durant les années 1970 ; la délocalisation massive de la production en Asie va porter un coup fatal à l'activité dans la région. L'entreprise Dalloz a subsisté, ainsi que quelques discrets ateliers où les lapidaires taillent et polissent pour les plus fortunés ce que la nature a caché en son sein durant des millions d’années.